Une rencontre très révèlatrice. {Natsumi}

Elle ouvrit les yeux sur une pièce familière. Un réveil lent, difficile. Natsumi se redresse lentement dans son lit, faisant chuter un livre le long de ses draps jusque sur le sol. La raison de sa fatigue. Elle baille longuement, s’étirant les bras et les jambes. Devrait-elle sécher les cours aujourd’hui? Elle sort du lit et se dirige vers sa garde-robe. Que peut-elle bien enfiler aujourd’hui? N’est-ce pas une journée comme les autres? Pourquoi ne pas vêtir quelque chose de confortable? Son regard se pose sur le cintre à l’extrême droite de la penderie. Son choix est fait. Comme elle n’a pas reçu son uniforme, pour cause inattendue lors de la livraison, elle peut encore se permettre de porter ce qu’elle veut. Son ensemble fétiche, blanc et pourpre. Oui, la robe qu’elle adore, qu’elle se sait magnifique lorsqu’elle la porte.

Une fois bien enfilée, elle se brosse les cheveux puis les attache à l’aide de ses rubans de soie. Trop cliché? Redondant? Mais sûrement pas. Voilà que la jeune blonde quitte la chambre pour aller prendre son petit-déjeuner. Elle ne connaît personne encore. Hormis les célébrité majeures ou ceux qui sont déjà passé à la télé. Elle cru voir un chanteur célèbre mais au final elle se trompait. Natsumi sélectionna son repas du matin et alla s’asseoir à une table au hasard. Personne ne l’interpella. Bien qu’elle fasse tourner certaines têtes par curiosité. Elle fut bien déçue de voir qu’aucun ne venait lui parler. Surtout la petite rouquine à l’autre extrémité de la table.

Elle dégusta sans grand intérêt son petit-déjeuner. Peut-être aurait-elle du choisir de venir à l’académie à partir de chez elle au lieu de vivre sur le campus. Mais si c’était le cas, elle n’aurait probablement pas entendu ce qu’elle vient tout juste d’entendre. Des clubs d’hôtes? Mais quelle coïncidence intéressante, le livre qu’elle avait parcourut la nuit dernière racontait l’histoire d’une jeune geisha. Est-ce quelque chose de similaire? Elle se promit d’y jeter un oeil plus tard. Lorsque ses voisins de table se levèrent, elle s’empressa de leur demander où se trouvaient ces clubs. Ses plans pour la journée venaient d’être confirmés.

En regardant bien l’heure, elle avait le temps d’y jeter un oeil... Ou deux. Elle en aurait bien offert trois, mais c’est anatomiquement impossible. Elle décida de visiter tout d’abord le club féminin. Croyant qu’il s’adressait à la gente féminine. Peut-être avait-elle mal lu les indications? Ou était-ce une vilaine farce de la part des deux inconnus? Quoiqu’il en soit, elle se retrouva bien vite devant la porte en question.

Était-ce la bonne décision? Elle n’avait pas particulièrement envie de côtoyer des gens. Mais d’un autre coté, c’est bien plus réconfortant que de rester seule à ne rien faire sur un banc de la cour. Elle pourrait également terminer son livre. Non, elle s’était promis de faire au moins un unique effort afin de rencontrer des gens. Remettre à demain cette occasion n’est pas une option! Elle chasse de son esprit les quelques pensées négatives qui tentent de l’étouffer, telle une roche chasse l’amusement. Elle les ignore.

Elle pose la main sur la poignée. Elle hésite une dernière fois puis...

« Bienvenue » fit une voix féminine juste à coté d’elle. Elle vit un sourire bref mais rassurant sur les lèvres d’une jeune fille d’environ son âge. Son regard se posa sur les yeux de cette inconnue. Avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit d’intelligent, l’inconnue l’invita vers une table. Puisque c’était sa première venue, elle se dit que c’était quelque chose d’habituel, voir normal. Natsumi cru déceler l’odeur d’un parfum. Était-ce celui de l’inconnue? Une odeur délicieuse lui rappelant vaguement quelque chose de familier. Ou peut-être était-ce le bouquet de fleur dans le vase près de la porte d’entrer?

Natsumi prit place en face de l’hôte. C’est bien une hôte n’est-ce pas? Ou alors la manager?

« Je suis Akiko Mizuhara. Une des hôtes de ce club. Et vous ? »

Voilà qui répond aux questionnements de Natsumi. Ainsi donc cette fille se nomme Akiko. C’est un joli nom. Natsumi ferma les yeux et répéta ce nom lentement dans son esprit. Elle aime bien la façon dont il résonne. Peut-être cinq ou dix secondes s’écoulent avant qu’elle ne repose son regard sur Akiko. À son tour elle se présente. Au départ incertaine.

« Etsuko. Natsumi Etsuko. Je viens tout juste de m’enrôler à Ouran. Vous êtes une des premières personnes avec qui je parle depuis mon arrivée. »

Était-ce vraiment nécessaire d’ajouter ce commentaire à la fin? Peut-être devrait-elle corriger sa lancé avec quelque chose de plus concret, de plus utile...

« J’ai un peu entendu parler de ce club. Qu’est-ce exactement? »

Voilà qui semble plus simple et cohérent. Si elle devait blâmer quelque chose pour ce petit égard de jugement, elle pointerait les yeux d’Akiko. Oui, ses yeux bleu si brillants. Où a-t-elle vu de semblables yeux auparavant? Ils sont clairs comme le cristal, d’un bleu si profond. Elle pourrait s’y noyer, advenant qu’elle y plonge. Elle pourrait y boire, advenant qu’elle y pose les lèvres. Peut-être devrait-elle revenir sur terre avant de trop s’éloigner dans ses fantaisies...

Elle eut raison de se forcer à rester sur terre. Un peu plus et elle ratait l’explication d’Akiko. Venait-elle d’utiliser son prénom? Si, c’est bien ce qu’elle a dit. Est-ce une erreur ou est-ce voulu? Ou alors une politique du club? Peut-être que ce sentiment de familiarité venait d’une rencontre précédent qu’elle aurait oubliée. Natsumi décide de laisser passer ce détail pour le moment, bien que cela la dérange quelque peu. De sa main droite, elle joue inconsciemment dans ses cheveux. Enroulant une mèche autour de son index. Son regard ne quitte pas le visage d’Akiko, même lorsque celle-ci versa le thé. Cela lui permit de voir le léger sourire qu’Akiko lui adressa. Elle réalise soudain quelque chose. Ces traits, elle est certaine de les avoir déjà vu, plus d’une fois même. Très récemment, de plus. Natsumi sourit à son tour. Un sourire doux, fixe. Presque identique à celui d’une poupée de porcelaine. Tout ce temps passé à s’entraîner devant le miroir avait son lot de gains. Oui, devant le miroir... Miroir.

Une pensée prit racine dans son esprit. Elle n’est pas tout à fait certaine, mais elle sent que la raison de son questionnement est liée au miroir. Mais pourquoi? Il est impossible de rencontrer une inconnue grâce à un miroir. C’est absurde. Elle rêve souvent éveillé, mais là c’est un peu exagéré.

La jeune blonde prend délicatement sa tasse de thé et la porte à ses lèvres. Une petite lampée lui suffit pour déterminer la sorte. Il n’est ni trop chaud, ni trop tiède. Qui donc s’occupe de faire le thé? Il ou elle mérite une médaille... Et un travail de domestique à son manoir! Elle repose tout aussi délicatement la tasse de thé.

« Un concept fort intéressant. Peut-être devrais-je inclure ces clubs dans ma liste d’activités. »

Natsumi prit un des brownies avec l’intention d’y goûter. Cependant avant de le porter à sa bouche, elle reposa celui-ci devant elle. La jeune blonde n’en pouvait plus. Elle pouvait normalement faire preuve de bien plus de patience. Hélas en ce moment ce n’est pas le cas. Elle semblait perturbée. Ses traits étaient légèrement déformés par un sentiment de malaise et d’insatisfaction. Mais avant qu’Akiko ne puisse dire quoi que ce soit, Natsumi posa la question qui la ronge depuis le début.

« Excusez moi de demander. Mais je dois en avoir le coeur net. Nous sommes-nous déjà rencontrés? J’ai cette étrange impression de vous avoir déjà vu auparavant... »

Il ne s’agissait donc pas seulement d’elle. Akiko également se questionnait. Le destin voulut que ce soit la même interrogation. Coïncidence? Elle perçu dans la voix de son hôte une certaine confusion. Peut-être n’était-ce que son imagination, mais elle cru également y voir une hésitation. Natsumi, ayant encore l’idée du miroir en tête, s’imagina dans les chaussures de l’hôte. Sa réaction n’aurait pas été très différente que ce à quoi elle venait d’assister. Cette notion du miroir prenait de plus en plus de sens. Mais il manque encore quelques pièces très importantes au puzzle.

Natsumi fouilla ses souvenirs. Elle avait beau chercher, elle n’avait aucun souvenir d’une Akiko Mizuhara. À bien y penser, Ouran était le second endroit où elle venait étudier. Elle n’avait reçu que très peu de visites, mais jamais d’enfant de son âge. S’étaient-elles rencontrées dans son ancien établissement scolaire? C’était presque impossible. Avait-elle un lien de parenté avec une de ses domestiques? Mais que ferait-elle à Ouran si c’était le cas? Natsumi ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas pourquoi cette question la dérangeait tant. Encore moins pourquoi elle voulait absolument trouver une réponse. Elle quitta finalement le visage d’Akiko pour poser les yeux sur sa tasse de thé. Oui, quand elle ne sait plus quoi dire ou quoi faire, elle porte son attention ailleurs.

Elle remarque un grain de thé qui flotte à la surface du liquide chaud. N’est-ce pas là un bon présage? N’avait-elle pas lu quelque chose à ce sujet? Tandis qu’elle cherche de nouveau ses souvenirs, son train de pensées fait un arrêt d’urgence. Son reflet à la surface du thé la fixe d’un air intrigué. C’est étrange, l’impression de déjà-vu ne l’a toujours pas quitté. Peut-être...?

Natsumi détend ses traits faciaux. Elle laisse tomber ses paupières comme si elle s’ennuyait. Cette expression ne resta pas longtemps sur son visage. Elle venait de comprendre quelque chose. Le lien avec le miroir venait de s’expliquer par lui-même. Cela fit sourire Natsumi qui se sentit alors un peu soulagé. Elle n’était pas folle. Elle releva son regard vers Akiko, un sourire doux et amical sur les lèvres.

« Ce sont les yeux. La forme du visage. » Dit elle sans se presser. Deux courtes phrases qui cachent chacune un roman d’explication. Était-ce seulement une ressemblance? Coïncidence?

C’est à ce moment qu’un terrible doute la prit au dépourvu. Elle avait toujours été seule au manoir, en compagnie des domestiques. Certainement, c’est une triste solitude qui l’habite depuis qu’elle est toute petite. Cependant, pourquoi est-ce que la solitude l’avait tant peinée? Elle n’avait jamais vu son père ni sa mère, si? Elle eut mal, très mal. Mais pourquoi? Pour quelle raison l’idée d’être seule l’avait hanté? Natsumi eut soudainement l’impression d’oublier quelque chose.

" C'est... C'est pas possible... Que voulez vous dire..? "

La voix d’Akiko lui fut à peine audible. Non seulement n’avait elle pas prononcé ces mots sur un ton normal. Mais Natsumi entendait également un vacarme de cris. D’où venaient ces hurlements? Elle regarda à gauche vers la table voisine, puis à droite. Le bruit ne venait pas de là. Ils venaient... De sa tête? Comme si deux personnes se disputaient. Elle cru distinguer les mots « Tu ne peux pas me les enlever ». Une voix féminine. Un homme lui répondit quelque chose à travers des petits cris. Non c’est faux. Ce n’était pas des cris, mais plutôt des pleurs. Ceux de Natsumi? Ou était-ce...

« ... Ceux d’Ako-chan? » Termine-t-elle à haute voix. Mais qui est Ako-chan? Pourquoi ce nom évoque-t-il quelque chose? N’utilisait-elle pas ce nom souvent? Il ne s’agissait pas d’une de ses poupées. Aussi incroyable que cela puisse paraître elle avait encore chacune de ses poupées entreposées dans sa chambre. Aucune ne se nommait Ako-chan. Car elle les avait toutes nommées. Était-ce un surnom? Les yeux bleus de l’adolescente se posent de nouveau sur le visage d’Akiko. Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas répondu à sa question. Elle devait paraître assez louche en ce moment, perdue dans ses pensées à dire n’importe quoi.

« Akiko-san. » Dit elle finalement, avec la ferme intention de s’expliquer. Ou du moins, d’essayer. Cependant les mots ne purent passer ses lèvres. Ils restèrent coincés dans sa gorge tandis qu’elle observait le visage d’Akiko avec un air d’incrédulité profonde. Oui, elles se ressemblaient. Mais quelque chose au fond du regard d’Akiko parvint à projeter l’adolescente treize ans en arrière. Elle ne gardait pas beaucoup de souvenirs de cette période. Hormis avoir mal et être peinée de perdre quelque chose... Ou quelqu’un.

Finalement, elle allait sûrement sécher les cours aujourd’hui. Mais pas pour la raison qu’elle croyait au départ.

Le geste soudain d’Akiko ramena Natsumi au temps présent. Surprise, elle fixa l’adolescente sans dire mot. Avait-elle dit quelque chose de mal? Avait-elle vexée son hôte? Elle déglutit. L’anxiété l’envahit sans ménagement tandis que l’expression d’Akiko change. Elle ouvre la bouche. Aux yeux de Natsumi, son interlocutrice semble tout aussi perdue qu’elle. Debout devant la table, elle semble vouloir dire quelque chose. Pourquoi n’est-ce que dans de tels moments que le temps semble si long? Ces quelques secondes d’attente lui paraissent des heures. Elle sent son coeur battre contre sa poitrine. À tel point que c’en est presque douloureux.

" Natsu-chan. "

Prononça finalement Akiko. Elle se permet d’utiliser son prénom sans son autorisation et maintenant un surnom? Cette fois c’en était trop. Cette fille méritait une leçon sur le respect. Du moins, c’est se que se serait dit Natsumi en temps normal. Elle cligne des paupières afin de chasser le mince brouillard qui semble envahir sa vision. Elle lève doucement les mains, tremblante, en direction d’Akiko.

Cette sensation. Cette émotion. Elle avait l’impression de regarder à travers une large vitrine colorée jusqu’à aujourd’hui. Cette vitrine, elle tombait désormais en morceaux. Pièces par pièces, révélant une partie de la vérité. Sous son regard, alors qu’elle fixait une solitude douloureuse, se dessine lentement les traits d’une personne. Les traits de celle qui fut toujours dans son coeur, enfouie au plus profond de ses sentiments. Elle ne fut jamais vraiment seule...

« Ako-chan! » s’exclame-t-elle en venant enlacer Akiko si soudainement que sa chaise tombe avec fracas sur le sol. Elle ne peut retenir les larmes qui coulent le long de son visage pâle. Oh, pourquoi avait-elle abandonné l’espoir de la retrouver? Pourquoi avait-elle oublié jusqu’à l’existence même de sa soeur? Elle la serre de toutes ses forces, le visage enfoui à semi dans l’épaule d’Akiko. Elle se sentait à la fois libéré et meurtrie. Elle avait envie de hurler, de pleurer. Mais surtout, d’enlacer Akiko comme jamais auparavant.

Ce n’est pas une erreur, n’est-ce pas? C’est la vérité, n’est-ce pas? Il ne s’agit pas d’un rêve, ni d’une fantaisie. C’est la réalité, aussi belle et cruelle soit-elle. Pauvre Natsumi. Partagée entre la douleur de soudainement voir ses croyances éclater en milles morceaux et le bonheur de retrouver sa soeur. Elle avait bien des choses à mettre au clair, mais elles attendront. Natsumi veut profiter du moment présent. Les explications et les conflits viendront après. Les doigts fins d’Akiko à travers ses cheveux ravivaient tant de souvenirs enfouis. Si possible, elle voudrait savourer ce moment pour l’éternité. Elle souhaiterait qu’il n’ait jamais de fin à ce bonheur, cette joie immense. Mais mêmes les plus belles choses ont une fin et Natsumi en est consciente. Elle ne veut pas se séparer de sa soeur, mais sa position commence à devenir très inconfortable pour l’adolescente.

" Je suis si heureuse! Natsu-chan! "

Dit Akiko tout bas. Elle sentit les douces caresses d’Akiko. En réponse à ces quelques mots, à cette marque d’affection, Natsumi se dit qu’elle pouvait bien allonger ce moment. Elle se dit qu’une petite minute d’inconfort physique était peu cher payée pour une joie unique. Et puis... Elle l’aime. À peine retrouvé qu’elle l’aime. Elle qui se plaignait intérieurement du temps qui semblait trop long demandait à présent une éternité. N’est-ce pas égoïste?

Natsumi parvint enfin à calmer sa respiration. Elle n’arrive toujours pas à y croire. Dans ses bras se trouve sa tendre moitié. Doucement, elle relâche Akiko. Ne voulant rien brusquer, elle glissa les mains le long du dos d’Akiko, jusqu’à ce qu’elle atteigne la taille. La vérité, c’est qu’elle ne veut pas vraiment la relâcher. Comme si elle craignait la perdre de nouveau si le contact physique prenait fin. Elle affiche un sourire naturel. Dans lequel se mélange la joie, le soulagement et une pincée de tristesse. Contrairement à son sourire de poupée de porcelaine, celui-ci avait une panoplie d’émotions. Elle se détacha juste assez pour voir le visage d’Akiko. Pour lui montrer ce sourire et pour la regarder de près.

« Je savais que je rencontrerais quelqu’un à Ouran... Mais je ne m’attendais pas à te retrouver! C’est une surprise qui me remplie de joie. »

[HRP : désolé celui-là est court >_<]

Était-ce la réponse à ses prières? Ses voeux exaucées? Elle voyait soudainement une éclaircie dans les nuages de la morosité quotidienne. Les doigts d’Akiko se referment sur la main de Natsumi. Elle répond à ce geste en serrant doucement sa main. Son coeur ne bat plus la chamade, il n’est plus douloureux. Il s’est calmé, mais palpite toujours de bonheur. De sa main libre, Natsumi essuie ses joues humides. Ne quittant pas du regard la jolie Akiko.

" Excuses moi de ne pas avoir été là, Natsumi... "

« Mais qu’est-ce que tu racontes. On n’y pouvait rien. Ce n’est pas ta responsabilité. Nous étions jeunes. Maintenant nous somme grandes. Ne devrait-on pas plutôt se concentrer sur le moment présent? Rattraper le temps perdu? Si on doit vraiment blâmer quelqu’un, blâmons les responsables, pas les victimes. D’accord? »

La jeune blonde sourit. Elle ne sait pas plus quoi dire que sa soeur. Cependant elle sait ce qu’elle veut entendre. Elle veut savoir comment à grandit Akiko, quels gens elle à rencontrer. Elle veut tout savoir de sa soeur depuis leur séparation. Mais ne devraient-elles pas se rasseoir pour cela?

L’expression d’Akiko en disait long. Le changement dans son regard lui fit savoir à quel point Akiko avait souffert. Juste avant qu’elle ne commence à raconter son histoire, Natsumi redressa sa chaise et vint se placer juste à coté d’Akiko. Elle écouta sans interrompre sa soeur, peinée d’entendre les événements troublants qui assaillaient ses souvenirs. Elle trouva son récit un peu court, mais n’en dit rien. Natsumi croyait qu’Akiko était simplement aussi impatiente qu’elle, ou qu’elle avait certaines choses qu’elle croyait inutile de partager. C’était tout à fait normal, compréhensible. Akiko termina son histoire puis demanda la sienne. Natsumi ne sut pas par où commencer. Devait-elle raconter du début? Devait-elle tout raconter, même ses plus étranges pensées? D’une certaine façon, elle savait qu’Akiko ne se contenterait jamais d’un silence. La jeune blonde décida de faire simple. Laissant le loisir à Akiko de chercher quelques réponses par elle-même, ou de poser des questions.

« Lorsque nous avons été séparées, je me suis renfermée sur moi-même. Je n’ai pas vraiment de souvenirs de cette période. Mère s’est cloîtrée dans sa chambre et n’en est plus jamais sortie. Père n’est également jamais venu à la maison. Je n’avais comme compagnie qu’un portrait de père et les domestiques. J’ai tenté quelques fois d’entrer dans la chambre de mère mais je n’ai jamais réussis. Parfois lorsque j’arpentais les couloirs du manoir, je me demandais pourquoi aucune photographie de moi ou de mère n’était affichée. Je me sentais... Seule. Ce sont les domestiques qui m’ont inscrit à une école privée. Là bas, je voyais les jeunes de mon âge qui chuchotaient entre eux en me voyant. Je n’ai jamais parlé à personne tout le long de mes études élémentaires.
Parfois je laissais mes pas me guider au manoir. J’atterrissais souvent devant le grand portrait de Père. Parfois j’allais lire au pied de ce tableau, parfois je m’y endormais. Quelques fois, la domestique attitré venait me raconter comment Père et Mère se sont rencontrés.
Lors de mon septième anniversaire, un homme est venu me voir. Je ne me souviens plus de ce qu’il me disait mais à un certains moment je lui ai demandé pourquoi Père ne venait pas me voir. Il m’a répondu, et je me souviens de ses mots comme s’ils venaient tout juste d’être dit. Il m’a dit que je n’étais pas prête. Et ensuite il est partit sans rien ajouter.
Trois ans plus tard, j’ai reçu un cadeau de Père lors de mon neuvième anniversaire. Une robe en satin noir. Je crois que c’est à ce moment là que j’ai changé. J’ai été hypnotisé par cette robe. Par ce que je voyais dans le miroir. Je crois qu’il est important de spécifier, j’ai pensé à ce moment là qu’il s’agissait de la réponse. Que d’être prête signifiait d’attendre, de devenir parfaite afin qu’il ne vienne me voir. Durant cette période, j’étudiais au manoir avec un tuteur.
Finalement, l’an dernier Père m’a écrit. Je jubilais. Nous avons échangé plusieurs lettres. Il m’a proposé d’aller le rejoindre en Allemagne. Mais j’ai décliné l’offre. Je voulais aller à la même académie que Mère, ici à Ouran. Père a cédé à mon obstination et m’a envoyé cette robe, celle là même que je porte en ce moment.
En gros, c’est ça. »

Natsumi se dit qu’au fond, elle n’a pas eut une enfance aussi compliquée qu’Akiko. Un peu plus solitaire, certes, mais tellement moins douloureuse en un sens. Toutes deux avaient ce point commun, la solitude. Cette impression de manquer quelque chose. Natsumi commence à peine à comprendre d’où venait réellement ce sentiment d’être incomplète, imparfaite. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire malgré le poids lourd de leurs passés. Natsumi voyait cette réunion comme une révélation. Que cela fracasse ses croyances et ses décisions ne la dérangeait pas autant qu’elle ne l’avait d’abord cru. Elle posa sa main sur celle d’Akiko. Son regard bleu fixé sur cette dernière, ne se détachant pas une seconde de ses yeux.